La mer d’Azov qui pendant longtemps a approvisionné les producteurs de caviar ukrainiens en esturgeon, ne parvient plus à nourrir les populations de cette partie orientale de l’Ukraine. Toutes les conserveries de poissons ont fermé les unes après les autres, faute de rendement mais aussi faute de financement.
Il faut dire que cette mer d’Azov a un « tempérament » capricieux. De novembre à mars, les bords de la mer sont gelés jusqu'à 10 milles des côtes. Ensuite, Le niveau de la mer d'Azov change parfois de plusieurs mètres sous l'influence des vents et de la pression atmosphérique. La profondeur moyenne est de 10 m; ce qui rend difficile la navigation, notamment avec la formation de bancs de sable (kozy en russe). La salure de l'eau sans cesse renouvelée par le Don, fleuve "nourricier" principal est excessivement faible; ainsi, dans la rade de Taganrog, l'eau est absolument douce et sur toute la côte occidentale le bétail peut la boire.
Cette situation amène la population à mettre l’écosystème en danger. Les esturgeons n’atteignent pas l’âge adulte et sont pêchés afin d’en retirer le fameux caviar mais dont la qualité reste bien médiocre par rapport au caviar de la mer Caspienne.
Pendant la période estivale, sur les routes menant en Crimée, de nombreux marchands proposent leur caviar à un prix dérisoire, sans appellation d’origine et bien sûr sans contrôle qualité.
Malgré les efforts des autorités ukrainiennes en matière de protection de l’environnement, le contexte économique de cette région ne propose pas d’autres alternatives que de procéder à un véritable carnage de cette espèce d’esturgeon en voie d'extinction.
Pour compléter leur budget, la plupart des pêcheurs tente de vendre leurs produits de la terre, tels que fruits et légumes, vin, vodka. La concurrence est rude le long des routes qui mènent en Crimée. Le caviar, produit de luxe devant être exporté et consommé sur des tables occidentales, ne résiste pas aux réseaux mafieux qui chaque année généreraient un chiffre d’affaires de 2 millions $US chiffre d’affaires qui ne profite sûrement pas à ces petits pêcheurs. Ils bénéficient seulement d’une petite protection lorsqu’ils veulent s’installer sur la route de Simferopol, capitale de la Crimée.
Pourtant, cette mer d’Azov les a nourris pendant des générations mais cette « bonne mère » ne répond plus aux besoins de ses enfants. Malmenée par des changements climatiques et par le comportement des humains, elle ne tend plus son sein.
D’ailleurs, elle ne veut plus recevoir. La plupart des plages sont fermées et la navigation est limitée compte tenu de son niveau d’eau insuffisant. Elle procrée de moins en moins et a des allures de marécage, comme si à elle seule, elle avait décidé de se couper du monde.
Elle laisse derrière elle des orphelins qui sans elle, ne sont plus rien. Mais combien de fois et par combien de tactiques, elle a dû montrer qu’elle n’était pas un puits sans fond ?
Au IIIème siècle avant JC, des peuplades avaient dû quitter ses rives pour remonter un peu plus au Nord, en Ciscaucasie alors qu'elles ne pouvaient plus subvenir à leurs besoins vitaux et surtout dépendants de la production de la "Belle". Madame Azov avait encore eu le dernier mot. Elle reçut ensuite des colonies grecques qui l’appelèrent Tanaïs (Mer de Tana), des Vénitiens, des Génois, des Turcs. Elle fut un temps un passage obligatoire pour le commerce international.
Probablement par la complexité de son système qui fait qu’elle ne peut pas fonctionner comme une vraie mer, la «vielle dame » a pris sa retraite quant aux abus dont elle est victime depuis trop longtemps.
En héritage, elle laissera des terres asséchées ou marécageuses, polluées mais dont la population devra se contenter. Au fond d’elle, elle renferme des secrets qu'elle n'est pas prête à révéler. Il y aurait effectivement des gisements de pétrole mais dont l’exploitation semble plus qu’improbable compte tenu du terrain et surtout du coût. En tout cas, la Mer d’Azov a apparemment vécu.