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21 août 2014 4 21 /08 /août /2014 20:03

L’Inde, cet immense continent, aux cultures si diverses, aux langues si étranges, aux ethnies si mystérieuses mais si passionnantes – L’Inde, ce gigantesque musée de l’humanité, où des peuples aborigènes multimillénaires ont su résister aux religions, mœurs, diktats… introduits lors de moult invasions.

 

Et ils sont nombreux ces aborigènes ou Ādivāsī reconnus en 

« Scheduled Tribes » (tribus répertoriées) selon la constitution indienne et regroupés avec les « Scheduled Castes » (castes répertoriées). Ces « Indiens de l’Inde » représenteraient environ 8.6 % de la population du sous-continent, soit 104 millions d’âmes selon le recensement de 2011).

 

 

L’une des tribus la plus représentative est celle des Mundas, des « survivants » des premiers habitants de l’Inde, populations proto-australoïdes, s’exprimant en langue munda (le mundari notamment), une langue koralienne ou un sous groupe des langues austro-asiatiques, vivant dans l’est de l’Inde, la plupart dans le Jharkhand (le plateau de Chota Nagpur), l’Orissa mais aussi dans l’ouest du Bengale, le Chhattisgahr, le Bihar et sur de petites zones du Bengladesh.

Lors du dernier recensement en 2001, la population munda était estimée à 9000 000 d’individus.

 

Leur origine reste encore un sujet à controverse mais il est fort probable que ce peuple munda soit arrivé en Inde par le sud et le sud est asiatique à une période où l’Inde avait des ponts terrestres avec l’Australie (époque du Pléistocène, par la glaciation de Würm, soit il ya 100 000 à 50 000 ans environ) alors que l’Inde était coupée du nord de l’Asie.

 

Les Mundas (munda signifie « chef ») sont désignés souvent par un terme générique « Khol », ce dernier regroupant en fait d’autres tribus très proches voire consanguines : Ho (900 000), Kharia (300 000) , Santals (tribu la plus vaste 5 570 770), Bhumijes (740 000) et les Oraons (ou Kurukhs 1,702,663). D’ailleurs, il exista bien avant le Raj Britannique, un Royaume Munda ou plutôt Ho/Munda sur le plateau de Chota Nagpur et un Etat des Bhumijes à Barabhum .

 

  • Caractéristiques physiques

 

De couleur noire, les cheveux bouclés, courts, les Mundas sont généralement de petite taille bien qu’avec le temps et les différents mouvements de clans et les « intermariages », ces dernières caractéristiques physiques ne sauraient formellement être représentatives.

 

  • Mœurs et Coutumes

 

Les Mundas sont une tribu endogame. Au sein de la tribu, il existe également un grand nombre de clans exogames, comme par exemple les Benghra, Bodra, Parti, Hana, Kandru, Aind, Jihrul, Mundari, Nimak. L’union avec des membres des tribus « consanguines », comme les Hos, les Santhals, les Kharia est autorisée. Le paiement d’une dot, le Bride Price (différent du « dowry ») est obligatoire avant toute union. Le mariage de veuves et de divorcés est également admis.

 

Cependant, par la christianisation de certains membres de ce peuple et l’accès à l’éducation, ces traditions ancestrales sont parfois abandonnées et il arrive que le chef de tribu prononce parfois l’exclusion du ou plusieurs membres de la communauté. La famille munda est patrilinéaire, patrilocale et patriarcale.

 

La loi du Gotr : Gotr signifie « relié par le sang, par le nom de famille, issu du même village ». Un mariage entre personnes du même « Gotr » est considéré comme un inceste et socialement indésirable.

 

Les ancêtres inhumés sont « immortalisés » en tant qu’esprit bienveillant du Khunt ou famille généalogique symbolisée par une pierre tombale, le Sasandri. Elle est déposée, à plat, à même le sol et aucune marque fait mention d’une tombe éventuelle.

 

Les os du défunt, incinérés ou enterrés immédiatement après la mort, sont placés sous la Sasandiri, où les os des ancêtres précédents sont également présents. Ces os sont généralement mis dans un pot de terre et y sont maintenus dés l'incinération ou l’inhumation jusqu'à l'heure de la cérémonie de Jangtopa. Une fois par an, tous les membres de la famille sont tenus de visiter les pierres funéraires pour lui rendre hommage. Cette pratique est formellement interdite par l'Eglise pour les populations tribales Munda christianisée, mais en réalité, les chrétiens sont rarement présents lors des rituels. Il existe d'autres pierres funéraires comme par exemple, les Bhodiri, qui sont érigées à la verticale, généralement à proximité du lieu d’habitation du défunt. Le paysage de Chota Nagpur est parsemé de ces deux types de pierres, Sasandiri (pierres funéraires) et Bhodiri (pierre tombale).

 

  • Habitat et Mode de vie

 

Les territoires qu’ils occupent actuellement, furent pendant très longtemps difficiles d’accès et extrêmement reculés des grandes agglomérations indiennes. Au fur et à mesure que la civilisation extérieure, moderne, progressait dans les zones sur lesquelles les Mundas évoluaient depuis des millénaires, ils se sont repliés dans des régions montagneuses, recouvertes de forêts sans pour autant s’isoler complètement des autres tribus telles que les Ho, Santals, Kharia soit les Khols en général avec lesquelles ils partagent croyances, culture, rites et coutumes.

 

Depuis les temps anciens, les Munda se dispersent dans toutes les zones du nord est de l’Inde, et notamment dans la région Chota Nagpur. Auparavant, un groupe ayant le même nom de famille ou killi (lignée à partir d'un seul ancêtre), était installé sur une zone bien définie. Chaque killi est identifié à une région spécifique, quoique maintenant en général les membres de la tribu sont libres de s'installer où ils le souhaitent, notamment dans le Jharkhand.

 

Les Mundas, comme de nombreux peuples proto-australoïdes, sont par tradition, de fervents chasseurs, « l’agriculture étant considérée comme immorale, un outrage à la terre et une déchéance pour ceux qui la pratiquent » (A. Daniélou Histoire de l’Inde p.22). Cependant, la chasse s’avérant largement insuffisante pour leur subsistance, la plupart ont dû se reconvertir dans l’agriculture.

 

Contrairement aux Hindous, il n’existe « aucune des restrictions alimentaires, aucun des interdits sociaux, aucune des conceptions religieuses ou sociales » propres à l’hindouisme. Ils consomment notamment grenouilles, serpents, rats, vers de terre, escargots et sont amateurs de vin, le Tari et Haria.

 

Au point de vue vestimentaire, les Mundas ont adopté le style des hindous, soit pantalons et chemises pour les hommes et saris en coton avec le « choli » (longue blouse) ou la tunique pour les femmes.

 

  • Religion

 

Un quart des mundas furent christianisés à l’époque du Raj britannique. Toutefois, la plupart d’entre eux ont conservé leur culte d’origine, le Sarna. Ils vénèrent de nombreux dieux et déesses mais leur protecteur suprême est Singbonga. Des divinités, Hatu Bongkao, veillent sur le village, parmi celles-ci : Desauli, Jaher Buri, Chandi Bonga qui sont d’une grande importance durant les périodes de chasse et de cultures agricoles. Le « Pahan », le prêtre sarna du village, leur rend grâce. Les Ora Bongako, esprits des ancêtres (yaksha), sont également invoqués lors de chaque cérémonie sociale et religieuse afin de neutraliser les calamités. Ces Ora Bongako « adoucissent » et pacifient un bon nombre d’esprits malveillants à diverses occasions.

 

  • Fêtes et Evènements

 

Tout au long de l’année, les Mundas célèbrent de nombreuses fêtes : Mage, Phagu, Karam (arbres, esprits très puissants), Sohrai, Sahrul notamment, la fête des fleurs, un évènement très important, qui a lieu chaque année en mars-avril. A cette occasion, des Sal, des compositions florales, sont apportées sur le lieu de culte et remises au Pahan (prêtre) afin de rendre grâce à toutes les divinités mundas.

Le Mage est célébré un jour de pleine lune durant le Pausha, 10ème mois du calendrier hindou (22 décembre au 20 janvier dans le calendrier grégorien) et consiste à vénérer les esprits des ancêtres.

Le Phagu est fêté en février-mars et s’organise autour d’une grande partie de chasse lors de laquelle les divinités du village, Hatu Bongkao, sont invoquées.

La fête du Karma (arbres) a lieu en aout-septembre. Cette cérémonie est destinée à assurer la prospérité du village. De jeunes arbustes sont ramenés de la forêt par un homme célibataire (obligatoirement) et sont replantés dans le village. C’est une occasion pour déguster la bière de riz et danser toute la nuit.

Le Sohrai, fête des bestiaux, a lieu en octobre-novembre. Toute la nuit, les lampes restent allumées et le lendemain, les étables sont récurées et aspergées de bière de riz.

 

 

  • L’expansion des langues et de la culture munda - une « Mundalisation » ?

 

Le groupe de langues munda est « le plus largement diffusé dans le monde. On en trouve des traces sur l’Île de Pâques, près des côtes de l’Amérique du Sud à l’est, jusqu’à Madagascar à l’Ouest, de la Nouvelle Zélande au sud jusqu’au Panjab au Nord » (Cambridge, History of India, Vol. I, p. 43). Les Pygmées, par exemple, de par leur culture, laisseraient supposer qu’ils représentent « une branche éloignée du peuple munda » (A. Daniélou, Histoire de l’Inde p.24).

 

Sur le plan linguistique, les langues mundas, « riches en voyelles et semi-consonnes », emploient les suffixes, infixes et préfixes, le singulier, le pluriel et le duel et « ne font pas de distinction entre le féminin et le masculin mais entre les genres animés et inanimés. Il n’existe pas d’adjectifs. « Seuls des substantifs jouent le rôle de qualificatifs ». (A .Daniélou p.25).

 

Sur le plan musical, certains chants populaires munda présentent des similarités étonnantes avec certains chants populaires de Malaisie, Polynésie, Australie, d’Europe et d’Afrique centrale. Le yodel du Caucase, du Tyrol ou des Pygmées se rapproche de certains chants populaires mundas, de la même manière que certaines danses ou pratiques propitiatoires ressemblent étrangement aux tarentulés des Pouilles (la Tarentelle) au sud de l’Italie.

 

  • Les Mundas dans la société indienne

 

C’est au cours de la période coloniale que les Mundas furent officiellement identifiés et répertoriés comme peuple aborigène. Parallèlement, des Missionnaires parcouraient les régions escarpées et isolées des états du nord est de l’Inde, le Jharkhand, notamment afin de leur inculquer les valeurs de l’occupant : christianisme, éducation et ainsi…. l’asservissement.

 

Durant le XIXème siècle, quelques Mundas s’organisèrent afin de protéger la culture et l’identité de leur peuple. Parmi ceux-ci, Birsa Munda créa un mouvement indépendandiste et mena une rébellion farouche contre l’envahisseur britannique. Son combat : « libérer son peuple des manigances de tous ces commerçants, usuriers, Zamindars* et des Anglais ».

 

En 1938, Jaipal Singh, un Munda, fonda le parti « Adivasi Mahasabha ». Il fut le premier à revendiquer un état du Jharkhand autonome pour les Aborigènes. Outre ses activités politiques, il fut capitaine de l’équipe de hockey sur gazon qui décrocha la médaille d’or aux jeux olympiques d’été à Amsterdam en 1928.

 

Dés 1934, Nirmal Munda mena le mouvement sous une forme beaucoup plus organisée et revendiqua :

 

  • Le tracé d’un nouvel Etat pour les Mundas

  • L’exemption de taxes

  • Le droit de la population aborigène sur la forêt

  • Le droit à l’éducation

 

Le gouvernement britannique entreprit néanmoins la collecte des taxes par la force et lança un mandat d’arrêt contre Nirmal Munda lequel essaya de défier les autorités et donna rendez-vous à son peuple à Simko (une station de police près de Raiboga, dans l’Orissa), le 25 avril 1934. Un agent de police, le Capitaine Boscoe intervint avec ses troupes et demanda aux Mundas présents d’identifier Nirmal parmi eux. Devant le mutisme des Aborigènes, Boscoe donna l’ordre de tirer. Cette exécution coûta la vie de 300 Mundas. Nirmal Munda fut finalement arrêté mais « Simko » reste encore un symbole historique dans la lutte pour la liberté en général mais notamment dans le district de Sundargarh.

 

Karya Munda (BJP) est quant à lui le 15ème Président adjoint de la « Lok Sabha » (Chambre du Peuple, soit la Chambre Basse du Parlement de l’Inde).

 

Un autre Munda célèbre en Inde quant à ses recherches sur l’art et la culture de son peuple et de son état : Mr Ram Dayal Munda. Il fut récompensé par de nombreuses distinctions notamment le « Padmashree » (un peu l’équivalent français « Chevalier des Arts et des Lettres »). Il vient d’intégrer les 14 membres du Comité Consultatif National (National Advisory Council) et préside le Comité Consultatif des Tribus (ou ethnique) du gouvernement du Jharkhand. Il a également écrit de nombreux ouvrages sur la culture et la langue munda.

 

Le peuple munda pourrait bien être partie intégrante de l’histoire de l’humanité, une pièce majeure du puzzle de l’histoire de l’espèce humaine. Considérés comme « primitifs », leur culture a toutefois su résister, parfois par les armes et parfois par le « charme » à toute tentative d’aliénation de leur peuple. Tout en préservant leur culture, ils ont malgré tout contribué à la création d’un état-nation, démocratique tel que nous le connaissons aujourd’hui : l’Union Indienne.

 

* Les Zamindars sont une aristocratie issue de la noblesse terrienne du Sous –continent indien. Ils contrôlent souvent de larges territoires et collectent les impôts auprès des paysans. À l'époque de l'Empire moghol simples collecteurs d'impôts, avec le temps ils rachètent leur charge qui devient héréditaire. (wikipédia)

 

Les Mundas : Des survivants des premiers habitants de l'Inde ?
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